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Performance énergétique et confort d’été : l’équation complexe du thermicien

Performance énergétique et confort d’été : l’équation complexe du thermicien - SYNAPSE Construction BET CVC – plomberie et thermique

Avec l’urgence climatique, la conception des bâtiments s’est beaucoup adaptée pour réduire les consommations énergétiques, notamment celles liées au chauffage. Mais, avec les canicules de plus en plus fréquentes que nous connaissons, la question du confort (ou d’inconfort) d’été est devenue finalement une préoccupation tout aussi importante.  La gestion du confort d’été est une équation complexe qui dépend de multiples variables pour in fine atteindre une température intérieure confortable en toutes saisons. Un sujet qui demande une expertise et des études minutieuses. Explications par Sébastien Loos, Technicien d’études CVC – plomberie et thermique chez SYNAPSE Construction.

 

C’est quoi le confort d’été ?

La prise de conscience de la nécessité de protéger les bâtiments du chaud dans nos régions tempérées n’a pas plus de 20 ans. Elle a fait suite à la première canicule de 2003, qui a touché les esprits par son ampleur et son impact sanitaire. À l’époque, les météorologues à la télévision, tout comme la majeure partie de la population se réjouissait d’un temps estival et chaud… sans s’apercevoir que les populations les plus fragiles ou les plus exposées souffraient.

C’est la première réglementation thermique qui a suivi qui a introduit la notion de confort d’été. Elle est apparue pour la première fois dans la RT 2005. L’exigence réglementaire de Tic (valeur maximale horaire en période d’occupation de la température opérative) < Tic-ref (température intérieure maximale atteinte au cours d’une séquence de 5 jours très chauds d’été). On voit donc que les modalités de calcul de cet indicateur étaient plutôt obscures.

Heureusement est arrivée la RE2020, qui a clarifié son calcul et permis de faire des grandes avancées ! Avec la création d’un nouvel indicateur confort d’été : les DH ou degrés heures. Cet indicateur permet d’évaluer l’inconfort est le degrés-heures d’inconfort : DH qui s’exprime en °C.h. Il représente le niveau d’inconfort perçu par les occupants. Plus concrètement, cet indicateur s’apparente à un compteur qui cumule, sur la période estivale, chaque degré inconfortable de chaque heure de la journée et de la nuit. Les degrés inconfortables sont conventionnellement ceux qui dépassent une température de confort qui varie généralement entre 26 et 28°C suivant les températures extérieures.

Avec le réchauffement climatique qui s’intensifie, les périodes de fortes chaleurs sont hélas de plus en plus fréquentes et intenses, concevoir des bâtiments qui offrent un confort thermique optimal pendant les périodes de canicule est devenu capital. La RE2020 a vraiment mis en lumière les tenants et les aboutissants des enjeux qui se jouent ici.

 

Comment on le calcule concrètement ?

Concrètement, comme pour tous les indicateurs, il s’agit de seuils à ne pas dépasser. En dessous de 350DH, le bâtiment est considéré comme « confortable » et le projet est conforme. 350 DH, cela signifie par exemple, 1 degré durant 350 heures, ou 10 degrés pendant 35 heures, réparti sur une année.

Au-delà d’un seuil haut DH_max (variant suivant la typologie), le projet est non réglementaire à cause d’un inconfort excessif. En logement et en l’absence de contraintes extérieures, le seuil DH_max est fixé à 1250.

Entre ces deux seuils, le bâtiment est jugé conforme, mais pour inciter à l’atteinte du seuil bas avec des leviers passifs, un forfait de refroidissement est ajouté aux consommations d’énergie. Pour résumer, on suppose qu’un bâtiment avec plus de 350DH sera équipé à moyen terme d’un système de climatisation. La réglementation RE2020 anticipe donc de facto ce risque et pénalise d’emblée les projets qui ne prennent pas suffisamment en compte le confort d’été.

Dans tout projet, il y a donc un équilibre à trouver pour répondre aux exigences de la RE2020 entre la conception, la consommation d’énergie et l’installation d’équipements.

 

On fait comment concrètement pour éviter la surchauffe intérieure ?

Pour éviter la surchauffe intérieure d’été, on peut agir sur différents leviers, chacun ayant leurs avantages et inconvénients :

  • Porter une attention particulière à la conception du bâtiment, notamment des surfaces vitrées bien dimensionnées, des logements traversants… tout prenant en compte le climat local. L’orientation du bâtiment est importante car elle détermine la quantité de lumière solaire que le bâtiment recevra, ainsi que les zones les plus chaudes et les plus fraîches.

 

  • Bloquer les apports solaires : avec des brise-soleils, des casquettes horizontales positionnées au sud… Ce sont des solutions efficaces et qui ne consomment rien mais elles sont quand même limitées, car on ne va pas vivre ou même travailler dans le noir tout l’été ! On peut par contre jouer sur la couleur ou la végétalisation des façades. On travaille également sur « la cinquième façade » : de plus en plus de toitures prennent des teintes claires ou blanches afin de renvoyer les rayonnements thermiques.

 

  • Travailler sur l’inertie du bâtiment, en privilégiant les matériaux qui ont un long déphasage thermique, c’est-à-dire qui ont la capacité d’absorber beaucoup de chaleur et mettent du temps à la déstocker à l’intérieur du bâtiment. La chaleur qui va être restituée à l’intérieur du bâtiment et faire augmenter la température intérieure va donc mettre plus de temps à pénétrer dans le bâtiment. Pour augmenter ainsi l’inertie de la structure, on va pouvoir jouer sur le choix des matériaux, le type d’isolation, l’épaisseur des murs… Ce type de solutions est efficace à condition que l’épisode caniculaire ne soit pas trop long.

 

  • Mettre en place des systèmes de décharge : le but est d’évacuer l’air chaud et le remplacer par un air froid. C’est ce qu’on propose par exemple avec une ventilation mécanique double flux nocturne. L’objectif est de décharger le bâtiment de la chaleur accumulée en journée. C’est une solution technique très répandue parce qu’on utilise les réseaux de ventilation déjà existants pour évacuer l’air chaud la nuit et prélever l’air froid extérieur. L’inconvénient c’est qu’il est efficace uniquement quand la température extérieure nocturne est suffisamment basse. De plus, il entraine des consommations électriques non négligeables liées aux ventilateurs des CTA.

 

  • Installer des systèmes de rafraichissement de l’air comme la géothermie et le rafraichissement adiabatique. Il existe depuis la nuit des temps des installations tels que les puits canadiens ou provençaux (ce sont les même selon que l’on cherche du chaud ou du froid). On utilise alors des propriétés naturelles d’éléments : la température stable du sous-sol ou les propriétés de changement d’état de l’eau qui permettent d’absorber la chaleur.

 

  • Travailler l’effet venturi dans le cadre de ventilation naturelle, mais cela apporte des contraintes architecturales qu’il faut faire accepter.

 

Se protéger du chaud l’été en même temps que du froid l’hiver, c’est possible ?

C’est tout l’enjeu de notre métier ! Car en effet, le danger, c’est de concevoir des bâtiments qui sont tellement isolés et étanches qu’ils deviennent presque des « thermos ». S’ils ne consomment rien ou presque en termes de chauffage l’hiver parce qu’ils sont sur-isolés, cela peut être problématique l’été. Car l’été, la chaleur finit malgré tout par entrer à l’intérieur du bâtiment et la difficulté va être de pouvoir évacuer cette chaleur. Et dans un thermos, le principe, c’est de garder la chaleur.

Mais oui, cela est possible ! Il ne s’agit pas d’améliorer le confort d’été d’un côté et de l’autre de chercher à faire baisser la facture de chauffage l’hiver. Le défi, c’est de permettre un confort thermique en toutes saisons. Les maîtres d’ouvrage et les concepteurs de bâtiments devront tenir compte d’une multitude de paramètres pour relever ce défi. Et tout cela doit permettre de répondre à l’usage particulier qui sera fait du bâtiment car on ne travaille pas un projet à destination d’enseignement comme un logement, un bâtiment de bureaux ou encore un gymnase.

 

Comment on se prépare au réchauffement climatique ?

Comme nous, les maîtres d’ouvrage sont très attentifs à cette question de confort d’été dans leurs projets.  Bien souvent ce sont les maîtres d’ouvrage eux-mêmes qui l’intègrent dans leurs programmes. Certains vont même jusqu’à exiger un niveau de confort estival bien supérieur à la réglementation. C’est plutôt encourageant de constater que chacun se préoccupe de l’usage du bâtiment avant le respect simplement réglementaire.

Pour parvenir à ces niveaux d’exigence, nous devons étudier finement le bâtiment en réalisant des simulations thermiques dynamiques (STD). Cela consiste à modéliser thermiquement le bâtiment et lui appliquer des scénarios personnalisés (contrairement aux calculs RE2020 qui appliquent des scénarios réglementaires figés). Ce modèle est ensuite soumis à des calculs sur une année complète, avec un pas de temps de 30 minutes, selon un fichier météo précis prenant en compte un certain nombre de paramètres (température de l’air, ensoleillement, vitesse du vent, …). On peut notamment anticiper le changement climatique en utilisant des fichiers météo « caniculaire » ou « perspective 2030 », afin d’étudier la réaction du bâtiment à ces sollicitations plus « extrêmes ».

Évidemment, quand on construit un bâtiment, on le construit pour une durée dépassant les prévisions météorologiques. N’oublions pas que la théorie des calculs se confronte au quotidien à l’usage et à la réalité d’un bâtiment qui est in fine un lieu de vie, un lieu de travail ou un lieu d’activités diverses. Ce travail est donc lourd et demande du temps, mais il est au cœur de notre savoir-faire et permet de répondre aux enjeux de confort d’été et on l’espère aux enjeux plus globalement climatiques.