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Le bio-sourcé : le pari gagnant de la construction écologique ?

Bois Paille BET TCE SYNAPSE Construction

Bois, paille, lin, chanvre, terre crue… les matériaux biosourcés ont la cote ! Peu à peu, ils s’installent dans le bâtiment avec souvent des propriétés comparables aux matériaux classiques d’un point de vue de la performance thermique, acoustique, de durabilité, et de la sécurité. Ils s’imposent partout ou presque : bureaux, groupes scolaires, complexes sportifs ou associatifs et plus timidement dans le logement privé. Il n’y a encore que le logement social qui fait de la résistance. Si leur intérêt environnemental ne semble plus faire débat, il persiste en revanche des freins à leur parfaite démocratisation.

Explications de Mylène LIGNAN, économiste de la construction chez SYNAPSE Construction.

C’est quoi un matériau biosourcé ?

Un matériau biosourcé, c’est un matériau fabriqué à partir de matières d’origine biologique. Leur bilan carbone est bien moindre que celui des matériaux classiques. Mais on fait aussi leur analyse en cycle de vie (ACV) car même s’ils utilisent moins de ressource lors de leur fabrication, on est attentif à leur impact environnemental à toutes les étapes de leur cycle de vie : vente, achat, transport, utilisation, destruction et revalorisation…

Le plus connu est bien sûr le bois, utilisé pour la construction de murs, d’isolants thermiques, de planchers, de toits et de charpentes. Mais il en existe beaucoup d’autres, comme par exemple : la paille qui offre une excellente isolation thermique et acoustique, la terre qui est très efficace pour maintenir une température intérieure constante ou encore le chanvre très efficace pour la régulation de l’humidité dans les bâtiments… Il existe de nombreux matériaux biosourcés couramment utilisés dans la construction, chacun ayant des avantages spécifiques en termes de durabilité, d’efficacité énergétique et de coûts.

Pourquoi un tel engouement ?

Il existe de multiples bénéfices à intégrer ces éco-matériaux dans les programmes immobiliers. La première des raisons est écologique, je viens d’en parler. Ils sont produits à partir de matières premières renouvelables comme le bois, la paille, le chanvre, le liège ou le bambou…et peuvent être cultivés localement ou du moins en France. Mais ce n’est pas la seule raison selon moi. Ils sont une opportunité pour tous les acteurs d’un projet : les architectes, les maîtres d’ouvrage et même pour la maîtrise d’œuvre.

Les architectes sont toujours très attachés à proposer des projets innovants. C’est dans leur ADN d’être créatifs, ils cherchent en permanence à résoudre les défis de conception de manière novatrice et efficace. Pas étonnant qu’ils se sont vite emparés de ces nouveaux matériaux ! Qui plus est, en termes d’image, c’est bien plus valorisant pour eux de parler d’un projet bois ou en briques de terre crue isolée en paille que d’un projet 100% béton. C’est beaucoup plus esthétiquement agréable.

Pour les maîtres d’ouvrage, il y a une autre donnée à prendre en compte : l’usage des matériaux biosourcés leur permet d’atteindre des objectifs de développement durable et de se conformer à des normes environnementales dans le but d’obtenir des labels de certification environnementale ainsi que des aides financières et subventions spécifiques. Ces incitations financières visent à encourager les maîtres d’ouvrage à investir dans des bâtiments durables et respectueux de l’environnement.

Tour cela fait que peu à peu, on passe du schéma classique béton/ laine minérale / placo au schéma ossature bois / isolant bio-sourcé / brique de terre crue. L’un des avantages indéniables dans notre métier est de diversifier les projets sur lesquels nous travaillons ! Il existe pléthore de matériaux biosourcés (comme pour les matériaux traditionnels d’ailleurs). Donc, ça demande un peu plus de travail de recherche pour respecter le budget, d’autant plus dans le contexte économique actuel, mais c’est stimulant.

Quels sont les freins ?

On a constaté par exemple que les prix étaient très aléatoires. On pouvait avoir des prix qui allaient du simple au double en fonction du fournisseur. La marge d’erreur sur le chiffrage du projet est donc potentiellement plus grande. D’autant plus si on a que quelques fournisseurs disponibles sur un matériau particulier dans une région bien définie !

Mais le frein le plus important est bien sûr les prix, qui sont encore plus chers que les matériaux classiques qui paradoxalement sont plus gourmands en termes de ressources. Mais c’est logique. Le béton par exemple est le matériau le plus utilisé au monde, la demande a atteint un volume tel qu’il reste très compétitif, et ce malgré l’inflation.

C’est encore et toujours le prix qui va déterminer les choix de conception, et je ne crois pas que cela va changer. En revanche, j’observe qu’à prix égal ou légèrement supérieur le choix porte désormais sur un matériau biosourcé. Au niveau des isolants par exemple, le surcoût des matériaux reste acceptable pour les maîtres d’ouvrage qui privilégieront le bénéfice environnemental. C’est pourquoi les isolants biosourcés se sont pas mal démocratisés. A l’inverse, sur d’autres postes comme la menuiserie par exemple, les prix du bois, bois/alu et même acier/alu sont plutôt prohibitifs.

Votre avis d’économiste de la construction ?

On ne parle que de ça depuis quelques années. On a recours aux matériaux biosourcés dans chacun de nos projets. Mais attention de ne pas faire la course au biosourcé ! Notre rôle en tant qu’économiste de la construction est de garantir la faisabilité financière du projet ! Et, il faut bien l’avouer, le coût d’un projet reste le critère n°1. Ce que je crois, c’est que tous ces matériaux sont complémentaires à ceux que nous utilisions déjà.

Quel est l’avenir de ces matériaux ?

L’enjeu c’est que la filière se structure, que la demande augmente pour faire baisser les prix. Aujourd’hui, le marché est là : on a des fournisseurs et des fournitures et on a la demande. La commande publique encourage largement leur usage et c’est très encourageant pour l’avenir. En démocratisant le recours à ces matériaux, les prix vont peu à peu baisser et surtout se stabiliser. C’est encore un peu tôt actuellement mais le potentiel de développement économique pour l’avenir est très prometteur.

Que ce soit dans le bâtiment ou ailleurs, de nouveaux produits et procédés finissent toujours par remplacer l’existant. C’est d’autant plus vrai quand ils offrent un bénéfice environnemental supérieur. Bien sûr, le prix reste inévitablement déterminant mais j’ai la conviction que d’ici quelques années, les matériaux biosourcés se seront imposés et on parlera des prochaines innovations, plus vertueuses encore.