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Le paradoxe du coût global : pourquoi faut-il dépenser plus pour économiser ?
Construire, cela coûte cher. Et c’est même de plus en plus cher, si l’on se focalise uniquement sur le coût de construction. Au 1er trimestre 2025, les coûts de production dans la construction ont encore augmenté de +0,9 % sur le trimestre et de +1,5 % sur un an, tirés notamment par le coût de l’énergie et des matériaux (chiffres INSEE). Mais posons la question autrement : si l’on pense global et cycle de vie, alors non ce n’est pas la construction qui coûte le plus cher, mais bien toute la vie du bâtiment après sa construction. Ce serait comme dire qu’un enfant coute cher car il passe trois jours à la maternité…
Le paradoxe des 5 %
Sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, le paradoxe est saisissant : moins de 5 % du coût total sont investis dans la conception, alors que ces décisions influencent irrémédiablement les 95 % restants. Autrement dit, ces 95% coûtent d’autant plus cher que les 5% sont mal investis. J’observe souvent dans les projets, que les arbitrages budgétaires se concentrent sur le coût de construction immédiat et les honoraires des concepteurs. Pourtant, c’est précisément lors de la conception que se décident la compacité, l’orientation, le système énergétique, le choix structurel, l’isolation ou la modularité d’un ensemble immobilier, autant de paramètres qui conditionnent 30 à 50 ans de coûts d’usage et de maintenance.
Ne pas accorder suffisamment de moyens (et de temps) à la conception, c’est limiter la capacité d’optimisation avant même que le chantier ne commence. À l’inverse, investir du temps et de la matière grise à cette étape, c’est agir là où les économies sont les plus efficaces.
Démonstration par le coût global
La méthode du coût global nous pousse à sortir d’une logique de prix d’achat pour adopter une logique de valeur d’usage. Elle prend en compte tout le cycle de vie du bâtiment : conception, construction, exploitation, maintenance, déconstruction et valorisation. Son principe est simple : évaluer non pas ce que coûte un bâtiment à construire, mais ce qu’il coûtera à posséder et à exploiter pendant toute sa durée de vie. Cette approche, inscrite dans le Code de la commande publique (article R.2152-7), encourage les maîtres d’ouvrage publics à considérer le coût global dans leurs décisions d’investissement.
Mais là où la gymnastique devient sportive, c’est que le code de la commande publique ignore qu’en terme de finance publique, il existe deux budgets : investissement et exploitation. Et que les passerelles de l’un à l’autre ne sont pas faciles.
Un choix de conception, même anodin en apparence, peut générer des économies cumulées considérables sur plusieurs décennies. Il faut voir la conception comme un investissement rentable et durable. Par exemple : une installation sur géothermie représente un investissement initial plus important qu’une chaudière gaz (parfois trois fois le prix en fonction du contexte), mais peut faire économiser jusqu’à 20% de la facture énergétique annuelle. Les événements politiques internationaux nous l’ont rappelé récemment avec une envolée des factures énergétiques. Amortie en 7 ans, elle devient ensuite source nette d’économie. Au moment des choix budgétaires, c’est un changement de regard, il faut le dire, difficile à opérer, surtout lorsqu’il faut composer avec une enveloppe budgétaire qui n’est pas élastique.
Et politiquement, il est parfois difficile d’expliquer qu’on va dépenser plus pour gagner plus…
Valorisons la matière grise, investissons du temps pour gagner ensuite de l’argent
C’est au stade de la conception que se joue la maîtrise du coût d’un projet immobilier. C’est là que l’on verrouille la trajectoire économique, énergétique et technique du bâtiment, bien avant la phase chantier. Chaque arbitrage influence durablement le coût global, le planning et la performance de l’ouvrage. Il faut donc s’autoriser le temps de bien faire, de penser avant d’agir, car c’est dans ces phases d’échanges et d’ajustements que se crée la valeur.
Il ne viendrait pas à l’idée d’exiger d’un maçon de gagner du temps sur le délai de séchage de sa dalle pour gagner du temps en chantier… et bien c’est la même chose en conception. Le process a besoin de temps.
Un projet bien conçu coûte non seulement moins cher à construire, mais surtout beaucoup moins cher à exploiter et à maintenir.
Les outils modernes ; calculs thermiques dynamiques (STD), simulations de confort d’été, modélisations énergétiques, analyses de cycle de vie (ACV) ou encore conception collaborative via le BIM offrent aujourd’hui une vision complète du comportement du bâtiment sur 30, 40, parfois 50 ans. Ces approches permettent de prévoir les consommations d’énergie réelles, de tester différents scénarios d’usage (occupation, ventilation, inertie, protections solaires), de dimensionner au plus juste les équipements et de quantifier les gains d’exploitation selon les choix de conception. Ainsi, par exemple, une simulation de confort d’été peut montrer qu’une simple orientation différente du bâtiment ou un ajustement des protections solaires réduit sensiblement les besoins de climatisation.
Mais la conception ne génère pas des économies qu’à long terme : elle prépare aussi la maîtrise du chantier. Les méthodes de lean construction permettent d’anticiper les flux, de supprimer les temps morts et de limiter les reprises. La préfabrication et le hors-site, lorsqu’ils sont intégrés dès l’avant-projet, garantissent une meilleure qualité d’exécution, des délais plus courts et une facture finale maîtrisée.
Valoriser la matière grise, c’est se donner le temps d’optimiser, d’ajuster et de fiabiliser, à la fois pour limiter les coûts d’exploitation et pour maîtriser ceux du chantier. Le temps investi à ce moment-là, ce sont des dépenses évitées aujourd’hui sur le terrain, et demain sur toute la vie du bâtiment.
Conclusion
Construire ne coûte pas si cher, à condition bien placer son regard. Investir mieux au départ, c’est dépenser moins ensuite. Un placement sûr, qui transforme la matière grise en économies réelles et durables. C’est cette conviction qui guide SYNAPSE Construction : accompagner chaque maître d’ouvrage dès la phase de conception pour que les projets d’aujourd’hui génèrent les économies de demain.
